http://www.fiqsante : Article intégral
Formation initiale des infirmières – La demande de l’OIIQ : une menace dangereuse et inutile pour les systèmes de la santé et de l’éducation
2014-01-30
Lettre ouverte transmise aux grands quotidiens québécois le 22 janvier 2014, signée par :
- Régine Laurent, présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ
- Thérèse Laforest, conseillère syndicale, secteur Tâche et Organisation du travail, L.L.L., Ph. D. (D.Ri.), CRIA
- Jean Villeneuve, conseiller syndical, secteur Recherche (relations de travail), M. Sc., CRHA
Le dossier sur la formation initiale de la relève infirmière vient
de prendre une orientation importante et déterminante. En effet, le 8
janvier dernier, devant l’absence de consensus au sein du groupe de travail mandaté pour travailler sur ce dossier, le gouvernement refusait d’acquiescer à la demande de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) visant à rendre obligatoire le baccalauréat en sciences
infirmières pour la relève infirmière. Par ailleurs, le gouvernement
proposait une démarche et un ensemble de travaux à mener pour
documenter davantage cette question, de tels travaux étant susceptibles
d’orienter et de soutenir éventuellement la prise de décisions dans ce
dossier.
Vu la très forte conviction manifestée par la majorité des membres
du groupe de travail quant à la nécessité d’entreprendre de tels
travaux, la FIQ juge non seulement mensonger, mais aussi pernicieux que
les porte-étendards de la demande de l’OIIQ associent la récente
décision gouvernementale à une offensive syndicale ou institutionnelle
corporatiste. À ce sujet, il importe de rappeler que cette décision,
empreinte de réalisme et de sagesse, a été favorablement accueillie non
seulement par la FIQ et les professionnelles en soins qu’elle
représente, mais aussi par des organisations patronales et
gouvernementales des réseaux de la santé et de l’enseignement.
Plutôt que de prendre acte de la décision gouvernementale et de
refaire ses devoirs, l’OIIQ ne témoigne d’aucune intention d’amender sa
demande initiale, entretenant ainsi la division au sein de la
communauté infirmière. Il est important de rappeler que cette demande
de l’OIIQ a perdu, au fil de l’évolution des travaux, des appuis
importants de décideurs au sein du réseau de la santé, ces décideurs
étant de moins en moins convaincus de la pertinence ou de la
faisabilité de cette demande. C’est pourquoi les ministres de la santé
et de l’enseignement supérieur ont commandé de nouveaux travaux dans ce
dossier pour sortir de l’impasse causée par l’OIIQ.
Pour sa part, la FIQ, largement appuyée par une volumineuse et
rigoureuse recherche documentaire, par le traitement et l’analyse de
données statistiques probantes, par des recherches et des enquêtes
terrains auprès de ses membres et de la population a, dans le cadre des
travaux du groupe de travail, soulevé plusieurs réserves tant sur la
pertinence que sur la faisabilité de la demande de l’OIIQ.
Ces réserves portaient notamment sur les problèmes actuels
concernant les cursus académiques, l’insuffisance chronique et
croissante de ressources humaines, matérielles et financières qui
affligent les institutions d’enseignement supérieur et particulièrement
les universités, l’état préoccupant des finances publiques, l’absence
de garantie de fournir un financement nécessaire et suffisant pour
supporter tous les coûts directs et indirects générés par un
rehaussement de la norme d’entrée à la profession infirmière et ses
découlants, les dysfonctionnements en matière d’organisation du travail
dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux
ainsi que la pénurie actuelle et anticipée d’infirmières.
La FIQ demeure convaincue que l’obligation de détenir un
baccalauréat pour la relève infirmière risquerait d’affaiblir non
seulement le réseau de la santé, mais aussi celui de l’enseignement
collégial. En effet, si la demande de l’OIIQ avait été avalisée, le DEC
en soins infirmiers serait devenu la seule formation technique
collégiale dont le diplôme terminal ne donnerait pas accès à l’exercice
d’un métier ou d’une profession sur le marché du travail : ceci aurait
créé non seulement un important accroc législatif, mais aussi une
menace à la raison d’être des programmes techniques au niveau collégial
et à la vocation première des cégeps.
En ne permettant plus l’octroi du droit d’accès à l’exercice de la
profession infirmière à la suite de l’obtention du diplôme collégial,
le DEC en soins infirmiers serait devenu un diplôme non qualifiant,
c’est-à-dire un diplôme « en rien ». La demande de l’OIIQ aurait donc
créé une brèche et un précédent majeurs, la composante DEC du DEC-BAC
en soins infirmiers devenant une coquille vide. Cette demande de l’OIIQ
était et demeure incompatible avec la structure actuelle des
programmes de l’enseignement collégial.
Un tel chambardement aurait pour conséquences probables de réduire
l’attraction à la profession infirmière et de diminuer l’accessibilité
aux études en raison notamment des coûts supplémentaires inhérents aux
études universitaires et au manque de proximité des lieux
universitaires d’enseignement en région dû à la grandeur du territoire.
Les dommages collatéraux prévisibles tant pour les étudiantes que pour
l’enseignement, la santé et la population sont trop importants pour
aller de l’avant avec cette demande.
Au fil des travaux du groupe de travail, il est devenu de plus en
évident pour plusieurs de ses membres que la demande de l’OIIQ ne
tenait pas la route et avait du plomb dans l’aile. Plusieurs autres
propositions ont alors été amenées par la FIQ, l’AQESSS, le MESRST et
le Secrétariat du Conseil du trésor pour sortir de l’impasse.
Contrairement à l’OIIQ qui est demeuré sourd à tous les arguments
remettant en question sa demande, la FIQ a pour sa part témoigné d’une
très grande ouverture. Elle a écouté non seulement les interventions et
les préoccupations de ses membres, mais aussi celles des autres
partenaires en soins infirmiers. Elle a joué un rôle proactif et
constructif dans ce dossier notamment en concevant et en soumettant un
modèle qui lui apparaissait plus pragmatique, rassembleur, réaliste et
réalisable à court terme. Ce modèle québécois intégré, tel que proposé
par la FIQ, s’inspire d’États et de pays, dont les États-Unis
notamment, où la stratégie adoptée vise à rehausser le nombre
d’infirmières détentrices d’un baccalauréat en sciences infirmières
sans le rendre obligatoire à l’exercice de la profession. Cette
stratégie consiste à mettre en place des mesures facilitantes pour
favoriser et accélérer une hausse significative du nombre d’infirmières
détentrices d’un baccalauréat.
Forte de sa connaissance du réseau de la santé et des services
sociaux, de l’expertise de ses membres et des besoins criants des
patients, la FIQ s’est positionnée de manière à sauvegarder la capacité
du réseau à continuer de dispenser des soins accessibles, sécuritaires
et de qualité. Elle entend bien continuer de jouer son rôle majeur de
leader en soins infirmiers tant pour la défense des intérêts de ses
membres que pour la protection des soins et des services dispensés à la
population québécoise. C’est dans cet esprit que la FIQ s’engagera
activement à toutes les étapes de la démarche annoncée par les
ministres de la santé et de l’éducation visant à alimenter et à faire
cheminer cet épineux et complexe dossier.
Pour en savoir davantage, consulter le site Internet de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ au www.fiqsante.qc.ca/formation-initiale-infirmiere.