Lettre d’opinion
Agence de la santé publique du Canada : Déterminants de la santé
OMS: Commission des déterminants sociaux de la santé - rapport final
En réaction à un article lu dans La Presses; Le
diplôme d'études secondaires n'est plus. (Stéphane Lévesque). Cet auteur est enseignant de français au
secondaire.
Ma montée
de lait numéro 1 :
« Depuis la réforme, les élèves de 1re
secondaire ne peuvent plus «couler» leur année. Même s'ils échouent à tous
leurs cours, on les envoie en deuxième secondaire. Les deux années sont
considérées comme un cycle et on n'évalue vraiment qu'à la fin
de ce cycle, (Stéphane
Lévesque). »
Le message qui est
envoyé aux préados du primaire, surtout les 6ièmes années, et aux
ados de premier cycle au secondaire, c’est qu’il n’y a aucune presse dans la
nécessité d’adaptation au rythme du secondaire, puisque la première année n’a
aucune valeur de toute façon. Tu peux faire ce que tu veux, ne pas remettre tes
travaux, ou remettre des travaux volontairement mal faits, « Butcher »
tes présentations orales, marcher au lieu de courir dans ton cours d’éducation
physique, on te permet de cette façon de provoquer l’épuisement mental moral et
physique de ton enseignant, on t’offre la chance de ne pas pousser tes
ambitions, de faire le minimum pour obtenir la même chose que tout le monde au
bout du compte. Un bout de papier, qui te permettra d’accéder à une énorme
quantité d’occasion de travail à salaire minimum ou à peu près, parce que la
plupart des emplois exigent un D.E.S.[1]
Alors la question qui
se pose maintenant : Pourquoi la plupart des employeurs exigent
minimalement un D.E.S. ? N’est-ce pas précisément pour s’assurer d’embaucher
une main d’œuvre ayant un certain niveau de connaissance, une certaine aptitude
? Si on poursuit dans LEUR logique,
et qu’on s’imagine une vision d’avenir, à quoi ressemblera la future main
d’œuvre ?
Vous aurez des adolescents,
de qui pendant cinq ans on aura exigé, s’ils le veulent bien, le minimum qu’ils
peuvent fournir, probablement en leur accordant gentiment des délais plus long,
j’imagine, qui seront devenus de jeunes adultes, diplômés d’un D.E.S., se
dirigeant soit vers le collégial, le D.E.P.[2] ou
le marché du travail, de qui on espèrera quoi ? Qu’il soit instinctivement
productif, débrouillard, assidu, responsable, sérieux, engagé, ambitieux ou
innovateur ? Vraiment ? C’est complètement fantasmagorique. À moins qu’on
souhaite des travailleurs peu éduqués, qui seront plus facilement manipulables
et dont on pourra facilement discréditer les revendications faute de sérieux,
faute d’éducation ?
« Cette décision avait évidemment choqué
puisque, clairement, on abaissait le niveau de performance minimal requis chez
les élèves. On avait rassuré les profs en leur disant que, de toute façon, les
élèves auraient besoin de 28 unités sur 36 en 2e secondaire, c'est-à-dire
qu'ils auraient besoin de réussir au minimum les trois quarts de leurs cours,
pour passer de la 2e à la 3e année du secondaire.
Ce
que les gestionnaires de ma commission scolaire[3]
ont récemment décidé, c'est de maintenir le cycle sur deux ans en début de
secondaire, tout en abaissant à 18 unités sur 36 le seuil minimal pour passer
de la 2e à la 3e année du secondaire. En gros, ça veut
dire que si un jeune a coulé tous ses cours en 1re et la moitié de
ses cours en 2e, on l'enverra en 3e, (Stéphane Lévesque).»
Ce que mon
adolescente de 13 ans qui est actuellement en secondaire 1 comprend dans ce
message, c’est que ça ne donne rien de faire des efforts quelconques puisque de
toute façon, même en foutant rien, je vais passer au deuxième cycle,
c’est-à-dire en secondaire 3. « Je
pourrais me présenter à la moitié de mes cours, et ils m’enverraient quand même
en secondaire 3 ! C’est n’importe quoi ! » me répond-elle.
« Les profs de 3e recevront donc
potentiellement des élèves qui n'auront pas réussi les deux niveaux précédents,
ce qui obligera ceux-ci à réduire leurs exigences et à rabaisser une fois de
plus le plancher minimal requis chez les élèves, forçant les profs des niveaux
suivants à faire de même, (Stéphane
Lévesque). »
Exactement. Et selon
l’étude de l’Université Laval tel que mentionné dans l’article, 57% des élèves
évaluent eux-mêmes avoir des difficultés en orthographe. Plus de la moitié !
Voilà ce résultat en graphique pour les visuels (Kane, Isabelle. (2014)):
Mes collègues et moi
qui enseignons au niveau collégial, bien qu’encore jeunes à quarante ans, souffrons
de plus en plus de calvitie tellement on s’arrache les cheveux de la tête
lorsqu’il est temps de corriger les travaux. Bientôt, c’est nous qui allons
porter une tuque jour et nuit pour camoufler cette calvitie ! ! ! Alors quelle
sera la prochaine étape ? Est-ce qu’on va bientôt retirer les cours de français
et les remplacer par des cours d’informatique pour leur enseigner comment utiliser
les correcteurs Web, Word et autres ? Allons-nous retirer les cours de
mathématiques pour leur montrer quelle est la meilleure application IPAD à
utiliser ? Et les cours « d’éthique et cultures religieuse » n’en
parlons pas ! Mes adolescents me confirment que ce cour n’est évalué qu’une
seule fois à la suite d’un seul, ou deux, cours dispensé ! ! !
Mon fils de 15 ans, en
secondaire 4, que je définirais comme un jeune homme sérieux dans ses études,
ambitieux, et qui fait par lui-même toutes les démarches nécessaires pour se
diriger vers la médecine, son rêve d’être neurologue ou anesthésiste, s’est
fait sortir d’un cours de mathématique dernièrement, parce qu’il avait un
t-shirt noir uni au lieu de l’uniforme
règlementaire, qui accepte seulement les polos noirs (ou blancs), et ce depuis
cette année seulement parce que l’an passé, les t-shirts étaient acceptés.
Pendant cette période, où on l’a exclu d’un cours de mathématique, on l’a
envoyé dans un local afin qu’il rédige une petite réflexion sur le code vestimentaire.
Ce qui lui a pris 10 minutes. Le reste du temps, on lui a refusé de retourner
en classe. Il n’a pu que crayonner pour passer le temps.
Un autre jour, j’ai
reçu une note à l’agenda de son enseignante d’anglais, qui était outrée parce
qu’il s’avançait dans ses mathématiques pendant son cours. Mon fils a été sorti
du cours, parce que, il faut le mentionner, il avait camouflé en douce ses
écouteurs et écoutait de la musique en s’avançant en math dans son cours
d’anglais. Pour ce point, je suis d’accord. Par la suite, pour tout le reste de
la période, les élèves ont rapporté que l’enseignante a fait un scandale et la
morale aux élèves, ne s’appliquant pas à dispenser l’enseignement pour lequel
on la paie. Après vérifications, j’ai compris que son travail d’anglais était
déjà fait, qu’il disposait de trop de temps pour le compléter, que le travail
en était un de conjugaison du verbe avoir et être, notion qu’il avait appris
depuis le primaire, mais qu’il revoit dans ses cours d’anglais à chaque année. Étant
trop peu stimulé mentalement, il a préféré s’avancer dans ses cours de math,
qui sont une exigence dans le parcours qu’il se dessine, ce qui le motive à
bien maîtriser les notions et à se dépasser en tant qu’élève.
Ma fille de 13 ans,
présentement en secondaire 1, a refait cette année exactement le même travaille
qu’elle a fait en 6ième année primaire dans son cours d’ECR[4];
un exposé oral sur « Comment se passe noël ailleurs dans le monde? ».
Elle-même, enfant n’ayant pas terminé son développement et sa capacité
d’analyse, trouve ça ridicule.
C’est exactement de
tout ça qu’on parle lorsqu’on dit que : « Les profs de 3e recevront donc potentiellement des élèves
qui n'auront pas réussi les deux niveaux précédents, ce qui obligera ceux-ci à
réduire leurs exigences et à rabaisser une fois de plus le plancher minimal
requis chez les élèves, forçant les profs des niveaux suivants à faire de même,
(Stéphane Lévesque). »
Et j’ajouterais qu’en
agissant ainsi on va non seulement démotiver les élèves et étudiants, mais les
enseignants, les professeurs et les parents aussi ! Quel argument me reste-il à
dire à mon enfant qui n’a tout simplement pas le goût d’aller à l’école
aujourd’hui parce que c’est le cours X – Y – Z, et que dans ce cours « on
apprend rien de toute façon »?
Et soyons clairs, ce
n’est pas l’enseignant que je blâme ici, je ne le traite pas du tout de
fainéant, et je ne suis pas sarcastique, alors n’allez pas interpréter mes
propos ici. Non, l’enseignant fait son travail, il fait ce que son patron lui
demande. C’est les gestionnaires de la commission scolaire, encore les
gestionnaires, et le gouvernement, qui ne fait pas son travail.
J’entends partout que
« c’est effrayant le nombre d’élèves
en difficultés qu’on a, ça n’arrête pas d’augmenter! » Oui. Nous, les
enseignants on le sait. Attendez encore un peu, ils arriveront bientôt à
l’université et sur le marché du travail. Vous allez le savoir aussi.
« On diplômera donc des élèves qui connaîtront
moins de choses, qui auront compris moins de notions, qui auront moins réussi,
qui seront plus faibles. J'ai instinctivement soulevé devant l'assemblée que
c'est toute la valeur du diplôme qui est remise en question. En fait, c'est là
que je me trompais.
Le
diplôme ne sera plus considéré comme une preuve de l'atteinte d'un niveau
académique prédéterminé. Il sera un droit de travailler que pratiquement tous
les élèves, forts ou faibles, devront éventuellement recevoir. En effet,
puisqu'on exige, de nos jours, un diplôme de secondaire 5 pour occuper à peu
près tous les emplois, on doit diplômer plus de jeunes si on veut qu'ils
puissent travailler, (Stéphane
Lévesque). »
………
Oui !
Donc, mes filles de
11 et 13 ans n’auront pas un diplôme parce qu’elles ont étés assidues,
persévérantes, parce qu’elles auront investi dans leur temps d’étude au lieu de
perdre leur temps sur les réseaux sociaux et les jeux en ligne, et qu’elles
auront relevé fièrement des défis (ou obstacles, c’est selon votre vision).
Non.
Elles auront en effet
un bout de papier ingrat qu’on appellera encore diplôme, faute d’obligation,
mais qui représentera désormais seulement le fait que tu auras atteint l’âge de
17 ans, et que tu auras le droit de travailler. La pression sociale de
travailler. On te pointera du doigt si tu ne le fais pas parce que tu n’auras
aucune raison de t’y refuser puisque là, tu l’as ton diplôme ! Maudite larve !
(Parce que c’est comme ça qu’ ILS
t’ont toujours considéré).
« On a décidé de sacrifier la qualité pour la
quantité. En une décision, on a pelleté une bonne partie du problème de
décrochage scolaire sous le tapis. On a accepté le fait que des travailleurs
moins instruits, c'est socialement moins dommageable que des décrocheurs boudés
par les employeurs, faute de diplôme. , (Stéphane Lévesque).»
Exactement.
Et qui sont les
décrocheurs ? Les femmes, au Québec ont un taux de décrochage scolaire à 5.8%
comparativement aux hommes qui affiche un taux de 12.8%[5].
Donc, ce sera principalement des femmes qui occuperont le marché du travail.
Sur ce, je vous
laisse réfléchir à ça. De mon côté je vais faire des exercices de respiration
profonde.
Montée
de lait numéro 2 :
… ça s’en vient, je
suis en train de l’écrire, je suis dans mon élan! /$%?&%? ! ! !
Isabelle Kane*
Humaine,
Citoyenne Du Monde, Engagée
Enseignante
de niveau collégial
Infirmière
Bachelière, Clinicienne
Intervenante
en Toxicomanie
Conférencière
Révoltée
à Temps Partiellement Complet Des Choix Gouvernementaux
[1]
Diplôme d’étude secondaire. Cela correspond aux années d’études suivant les 6
années de l’école primaire, excluant la maternelle.
[2]
Diplôme d’études professionnelles. C’est un diplôme qui forme les étudiants
pour accéder à un métier, dans un délai plus court. Par exemple un DEP en
Électricité, plomberie, infirmière auxiliaire, boulangerie etc.
[3]
Est-ce que ces gestionnaires ont eux-mêmes un diplôme dont les exigences ont
étés malheureusement diminués ou quoi ?
[4] Éthique
et culture religieuse.
[5] Le
portail d'information sur l'économie du Québec d'aujourd'hui : http://qe.cirano.qc.ca/tab/theme/indicateurs_sociaux/capital_humain/taux_de_decrochage_scolaire_2012
* Ce texte
reflète mon opinion personnelle et n’implique d’aucune façon mes différents
employeurs, les organismes, associations ou autres regroupements à qui
j’apporte mon soutien, où quiconque étant en lien avec moi de quelques façons
qu’il puisse exister. Merci d’en tenir compte. Merci de ne pas oublier de le
mentionner, si par bonheur d’espoir de diffusion du message, vous me citez, peu
importe l’endroit ou le média.